dimanche 8 mars 2020

Notes d'une participante

Merci pour ces notes qui nous permettrons de continuer à réfléchir en attendant le texte des interventions.

Journée diocésaine du 7 mars 2020  . Crypte ND-des-Champs
« L’accompagnement spirituel . Quel accompagnement ? Quels accompagnateurs ? »

Matinée
Père Benoît Bourgoin, vicaire à ND-des-Champs : Introduction
Quelques verbes. Appeler. Si je fais de l’écoute cela nécessite d’avoir le don mais aussi d’être appelé. Par qui suis-je appelé ? Auprès de qui puis-je rendre compte de mon service ?
Former : se mettre à l’écoute de la parole du Christ. Nécessite d’être soi-même accompagné. Sur quel point ai-je à porter une plus grande attention ?
Superviser : C’est une pratique courante pour les psys, moins courant pour les accomp spi. Il va falloir y réfléchir. Comment exercer cette supervision de mon écoute ?
Servir… « Le premier service dont nous sommes redevables aux autres, c’est de les écouter. De même que le commencement de notre amour pour Dieu consiste à écouter sa Parole, de même le commencement de l’amour du prochain consiste à apprendre à l’écouter. » Dietrich Bonhoeffer.
Certains font de l’écoute téléphonique, d’autre plus psy, d’autres sont dans un dialogue pastoral ou dans un rapport économique (thérapeute, coach)… Cette diversité est une richesse. Nous poursuivrons ces rencontres. Vos idées sont les bienvenues.
Je souligne la présence discrète des amis de saint Ignace : xavières, membres de CVX qui ont été la cheville ouvrière de cette journée.

« Qu’est-ce qu’un accompagnement spirituel ? », par Bernard Pitaud, sulpicien, formateur de prêtres. 
L’acc spi (AS) n’est pas de l’ordre d’un savoir mais d’un savoir-faire, donc de l’expérience. On lui a svt attribué comme qualification « l’art des arts » (ars artium), saint Grégoire le Grand. Il parle du gouvernement des âmes, cad le travail pastoral. Ce gouvernement des âmes peut s’appliquer à l’AS. L’AS est classé parmi les arts. L’accompagnateur est co un artisan qui doit façonner l’objet d’art qu’est la personne humaine entre les mains de D. Le véritable artiste est D lui-même. Image du potier. 1928 : Madeleine Delbrêl explique commence elle passe de l’art à l’art de la charité dans un poème. L’AS a qc à voir avec la beauté. Et l’accompagnateur verra parfois la charité transformer la personne ext et int.
On voit le caractère jamais achevé de l’accompagnement : les vrais peintres reprennent sans cesse leur tableau. L’artiste lui-même doit ê très conscient de ses limites, de son manque de compréhension profonde de l’autre. Comment n’ai-je pas perçu le lien entre ces 2 événements dont la personne m’a parlé ? Autrefois, on faisait des séances de questions/réponses. Il est facile de caricaturer le passé. On va dire qu’hier on dirigeait et aujourd’hui on accompagne. Mais bien des accompagnateurs d’aujourd’hui sont très directifs. Et autrefois, chez les Sulpiciens, « M. Ollier écoutait tout et remarquait de grands états de grâce à cette âme ». Il y a toujours du parasitage sur la ligne. Il y a les filtres de notre propre expérience. Les grands directeurs spi de l’histoire de l’Eglise insistent sur le fait que chaque personne humaine est unique. Il ne faut pas avoir trop de certitudes. Celui qui se croit un bon accompagnateur ne l’est déjà plus. Il y a aussi les autocensures : les choses que nous n’avons pas assimilé dans notre propre histoire. On a aussi des positions idéologiques. Celui qui est un homme d’ordre risque de ne pas entendre le besoin de confrontation de l’autre. Celui qui est sensible à l’injustice risque de réagir trop vivement si la personne est victime d’une injustice. L’accompagnateur libre n’existe pas.
Deux dimensions entrent en jeu :
-       le relationnel : il faut se connaître. Etre conscient de ses réactions spontanées et des risques. Il faut que l’autre accède à une liberté de plus en plus grande. Le respect de sa liberté est le seul moyen de déployer ttes ses possibilités. Il faut que la personne puisse dire « je ».
-       le spirituel. En m tps, on souhaite que cette personne marche vers la liberté évangélique, vers la charité. Elle est ouverture à l’autre jusqu’au don de soi. « Il les aima jusqu’au bout ». L’écoute n’est pas neutre. Elle ne va pas sans désir. Le désir de l’accomp va aider la personne à croire qu’elle peut accomplir sa vie, trouver un espace de libération. Ce désir de l’accomp va s’exprimer à travers un encouragement, la perception d’une pte lumière dans le tunnel qu’on croyait obscur. Tout n’est pas possible mais le progrès est tjs possible. Tout l’art consiste à ce que cette foi s’exerce dans le plus gd respect de la liberté.
L’église n’a jamais rendu obligatoire l’AS, dont le but est de marcher vers la sainteté, sauf pour les futurs prêtres et religieux. Il y a là deux désirs qui se rencontrent dont l’un soutient l’autre. Mais le désir de la personne accompagnée est-il tjs si clair ? Non. Des personnes viennent vous voir parce qu’elles ont un pb et qu’elles cherchent une solution chrétienne mais qd le pb est dépassé, la question de l’accomp se repose. Il est possible qu’elle ait perçue des enjeux plus profonds. La place du rapport à D peut alors s’amplifier. Ou ce sera la découverte des mouvements intérieurs qui permettent de découvrir l’action de l’Esprit Saint. Le travail sur soi peut devenir un lieu de révélation. C là que le rôle de l’accomp est majeur. Il y a tt un chemin qui s’ouvre. D’autres en resteront là. C’est ainsi. Ce n’est peut-être pas le moment pour la personne d’aller plus loin. L’accomp a surtout touché les milieux monastiques. On peut se servir des conseils des moniales et des moines. C surtout à partir de la Renaissance, qu’on a compris que la sainteté n’était pas réservée aux moines. Les exercices de saint Ignace… Puis saint François de Sales est reconnu comme un grand directeur spirituel. C au moment où la société se transforme au bénéfice de l’individu que l’AS prend de l’importance. Ts les gdes directeurs spi du 18è siècle (Jean-Jacques Ollier, Nicolas Barré…) affirment que chaque personne est unique. A partir de là, l’AS ne peut pas se réduire à une série de conseils stéréotypés car le travail de l’Esprit saint se fait d’abord en l’autre. Il faut l’aider à comprendre que cette rencontre qui l’a réjouie, est peut-être un message que D lui adresse. C’est pour cette raison que l’AS se situe sur le registre de l’écoute car nous ne sommes pas des devins. On ne comprend pas mieux que l’autre ce qui se passe en lui. Nous ne sommes pas tout puissants. Les faits nous obligent à être humbles. Il faut lui permettre d’aller jusqu’au bout de sa parole pour venir au monde une nouvelle fois.
-       La parole humaine doit être mise sous la Parole divine. Le rôle de l’accomp est alors de proposer un texte. C’est ainsi qu’on apprend à tricoter sa vie avec la Parole de Dieu. C’est en accomp cet itinéraire que l’accompagnateur apprend la patience. On apprend que la course à la sainteté est de longue haleine. On doit être patient avec nous-mêmes. On a parfois l’impression de régresser. L’impatience est mauvaise conseillère pour nous et la personne accompagnée. Il faut donner confiance.
-       Je voudrais souligner la dim ecclésiale de l’AS. Il est vécu en // avec le rapport à la Parole et aux sacrements. Un des buts c de permettre à chacun de trouver sa place dans l’Eglise. Enfin l’AS doit permettre de s’ouvrir aux autres pour former le corps ecclésial.
Conclusion : Nathalie Nothomb dans Soif fait parler Jésus sur son père adoptif, Joseph : « Il écoutait si fort qu’on croyait entendre sa réponse ». Cela paraître comme un idéal. Celui que Zundel appelle « le géant du silence », Joseph, devait parfois parler. Je préfère la figure de Jean-Baptiste, l’ami de l’époux, qui s’efface. Il laisse la rencontre s’effectuer en-dehors de lui.

« Posture de l’accompagnateur », par Paul Hervé Vintrou, coach, enseigne la manière d’accompagner professionnellement, AS à Saint-Gervais.
J’ai suivi de nbses formations dont Cacuna au Cénacle au Canada. Nous sommes une 12zaine d’accomp à Saint-Gervais, aux fraternités monastiques de Jérusalem. Auteur d’un manuel de l’accomp spi qui sort la semaine prochaine. 12 dispositions de l’AS :
1) comprendre ce qu’est l’AS dont la diff entre AS et A psycho
2) nommer Dieu. Il faut annoncer la couleur. Ce n’est pas tjs le cas ! Mais comment accompagner aux périphéries ? Moi, j’accompagne au nom de D, le père, le fis et le SE. Il faut expliquer qu’on est 3 : moi, l’accomp et Dieu.
3) aimer inconditionnellement la personne que j’accompagne. C’est une décision que je prends.
4)la déontologie. C vivre avec ses limites, ses blessures. Etre formé. « Mon avis a tjs été que chaque chrétien doit communiquer avec quelqu’un d’instruit et éclairé », Thérèse d’Avila. Laisser la personne que nous accompagnons libre de partir. Nous ne sommes que des passants. Etre supervisé. garantir la confidentialité : permet à l’accomp d’ê un lieu où tout peut se dire. Etre envoyé. Je ne peux pas décider tt seul que je suis accompagnateur !
5) Créer un climat de confiance. « Là où est l’amour là où il y a l’œil ». Je me remplis l’œil d’amour pour regarder l’autre. La patience. Passage de la bible où l’on veut couper le figuier stérile : « Seigneur, laisse-le encore une année »…
6) Demeurer un : éviter la séduction, face au phénomène d’emprise. Agréer ce qui advient. Un accompagnateur n’est pas « choquable ». Ecouter les horreurs qu’on peut entendre. Savoir que ce n’est pas moi, mais lui qui accompagne. « N’essayez jamais de vous imposer à vos frères. Vous ferez très bien mais la grâce peut davantage ».
7)Ecouter avec tous nos sens. « Faites attention à la manière dont vous écoutez » Lc 8,18.
8)Questionner. Se rendre compte qu’on questionne… par Jésus-Christ. J’échange avec l’accompagné mais je sais que sa parole doit-être traversée par la parole du Christ. Questionner pour tt évoquer et qu’on parle au bénéfice de la personne. Jean-Yves Leloup raconte qu’une paysanne sollicitait l’avis d’un staretz. Elle demandait comment gérer les dindons. Pq ? Parce que les dindons c toute sa vie. Je dois m’intéresser aux dindons de la personne. J’accompagne la personne dans ce qu’elle a à vivre.
9)Dire la parole. Prier pour l’accompagné. Je prie avant la rencontre, après et entre les rencontres. J’ai découvert Thérèse d’Avila qui disait : « Ce qui est de la plus haute importance, c’est de parler à votre confesseur de la manière dont vous vivez l’oraison ».
10) Oser regarder les blessures et les peurs. J’aide la personne à accueillir la situation douloureuse qu’elle vit par D, avec D et en D.
Libérer les personnes de croyances limitantes, la culpabilité, le souci de la perfection… Et accueillir la souffrance. Bernanos écoute une grande douleur du médecin : « j’essaie de recevoir humblement cette douleur dans mon cœur… et je comprends l’expression « communier avec » car cette douleur, je la communie ».
11) Unifier le corps, le cœur avec l’âme. Accompagner le corps : apprendre à respirer. Voir comment je fais exprimer des sentiments, des ressentis ? Faire nommer à la personne ce qu’elle ressent lui permet d’avancer.
12) Ouvrir le champ des possibles : voir D en toute chose. Les accompagnés se demandent comment rejoindre D dans leur vie quotidienne. Je leur donne des exemples : vous allez vivre telle rencontre par JC et en JC. Essayer de faire voir différemment. Explorer de nlles manières de faire. On peut s’appuyer sur des images, des symboles. J’utilise 200 cartes postales d’œuvres d’art pour lui proposer de voir les choses différemment. On peut proposer aussi à la personne de dessiner.
S’offrir au monde : ouvrir au monde par rapport à ce qui se passe. Voir comment je vais l’aider à porter du fruit dans sa vie quotidienne.
Conclusion : C important de se montrer joyeux tout au long de l’accompagnement. Une joie intérieure, celle qui est donnée par le Christ. Car le sourire est contagieux. Transmettre cette allégresse de Jésus. Sourire c’est donner mon cœur.

« Différentiation ente accompagnement spirituel et psychologique », par Pascal Parinet, psychanalyste et psychothérapeute Gestald, formateur en relation d’aide.
Gestald.
C’est une méthode qui travaille ds l’instant présent sur le processus (comment cela se passe ?). On travaille sur l’expression des émotions, l’intentionnalité (ds quelle intention j’adopte ce type de comportement ?), la fluidité des relations à soi-même et aux autres.
Comment repérer ce qui relève du psy et du spi ? Comment différencier l’accomp ? On ne regarde pas l’ho de la même façon. Les objectifs sont différents aussi ? Soigner des troubles psychiques ou aider la personne à progresser dans sa vie chrétienne.
- La séparation des fonctions : accueil en paroisse, dans une dim sociale ou psychothérapie… Il faut rester dans le cadre où nous sommes.
Le transfert va être un mécanisme qui consiste à projeter les aspects de personnalité pour répéter une relation infantile. C un processus inconscient.
Un accomp ne peut pas tout faire. Sinon risque de basculement dans la toute-puissance. En gl, on s’inscrit dans une tradition, ignatienne ou saint Frs de Sales pour l’accomp spi. L’accom psy : rendre conscient les mécanismes du mal-être pour trouver d’autres ressources. La psycho concerne aussi la créativité de la personne. En Gestald, on dit que quand on va mal la croissance s’arrête. L’objectif, c’est qu’elle reprenne. On accueille la personne dans sa globalité. Elle peut vouloir parler de sa foi avec son psychothérapeute. IL y a d’un côté l’écoute et sa méthode qui en fait sa spécificité. Un psy peut être à l’écoute du patient qui parle de sa foi. Il peut l’aider à prendre conscience de son idéalisation… L’AS ne va pas intervenir au niveau des mécanismes psychiques mais il peut voir co la foi peut l’aider à se sentir mieux.
-Distinguer le normal du pathologique : le normal est difficile à discerner. Ce pourrait être l’absence de souffrance pour la personne et son entourage. Et en même temps, il nous arrive à tous de souffrir sans que cela soit pathologique, comme lors d’un deuil. Du coup, ce sera lié à l’intensité. Si vous pleurez face à une perte, c’est normal, mais si vous pleurez sans savoir l’origine de votre tristesse, il y a qc qui ne va pas. C le trop ou le pas assez dans la durée.
Un exemple : vous avez entendu parler « des maladies spirituelle » des pères du désert. Prenons la gourmandise. Elle pourra être rééquilibrée par la vertu de tempérance. La personne pourra exercer et fortifier son libre arbitre. Boulimie : la personne subit des aspects psycho (pulsion, anxiété) et le psy ne conseillera pas la tempérance mais aidera à la prise de conscience des mécanismes à l’origine du trouble. On pourra suggérer à la personne d’aller vers la gourmandise pour retrouver le plaisir de manger plutôt que de rester dans la pulsion. La pbtique ne relève pas du même registre.
L’accompagnant spi regarde le rééquilibrage par les vertus ; le psy va s’intéresser aux mécanismes inconscients. Trouble psy si la personne dit : « Je ne peux pas m’en empêcher ». Avec le libre arbitre, il y a la question de la conscience. Ce qui est conscient c le symptôme. Ds la dim spi, la conscience reste présente.
On voit l’importance de distinguer les pbtiques. Le chrétien pense en terme spirituel mais cela ne favorise pas tjs la bonne prise en charge. A l’inverse, certains psys ne voient que l’aspect psy ce qui est une erreur. Le bon sens peut les aider. Le trop ou le pas assez dans la durée constituent un signal. Mais aussi l’histoire de la personne, la souffrance…  Et aussi le ressenti de l’accompagnateur. Il y a aussi le contre-transfert : c ce qui se passe ds l’accompagnateur. La fatigue, l’agacement… sont autant de signaux. Accompagner des personnes en souffrance n’est pas neutre. Cela nous affecte aussi consciemment et dans notre fonctionnement inconscient. On doit avoir un pied dans la rivière (empathie) et un pied sur la berge. Important : la relecture de l’entretien, la supervision, le travail sur soi, une psychothérapie qd tous les mécanismes n’auront pas suffi.
Quelles troubles psy s’expriment religieusement ?
-Ce sont les mécanismes de projection. On projette des images paternelle ou maternelles sur Dieu.
-L’idéalisation et la pensée magique qui relèvent de l’illusion infantile.
-Les scrupules obsessionnels sur des aspects religieux.
-La notion de sacrifice qui peut renvoyer au masochisme.
-Le délire mystique qui peut être difficile à discerner.
A l’inverse, il y a des synergies importantes :
-       Le pardon qui est une grâce
-       Les contraintes existentielles : la solitude, la mort, le sens de la vie. Il y aura une synergie entre AS et psycho.
-       Il arrive qu’une conversion guérisse une dépression ou une addiction. Les alcooliques anonymes sont dans une vision chrétienne de se remettre à plus grand que soi.
Dans de nbx cas AS et A psycho permettent d’unifier la personne.
Conclusion : la réalité est plus complexe que ce que je viens de dire. La vision binaire corps/âme ne facilite pas la diff entre psycho et spi. Je préfère la vision ternaire : corps, âme, esprit. La différenciation de ces 3 registres est importante pour faciliter l’accomp. Il faut prendre en compte les attentes et les besoins de la personne, en sachant qu’il y a une complémentarité entre l’accomp médical, psycho, spi et social. Il ne s’agit pas d’exclure l’un ou l’autre. Ces accompagnements sont cumulables dans la mesure où ils correspondent aux besoins de la personne.

QUESTIONS/REPONSES AVEC LA SALLE
Des personnes demandent des prières de libération pendant l’AS ?
Père Bernard Pitaud :
Je ne sais pas faire ! Je n’ai jamais eu cette demande. Je commencerais par dire à la personne : pourquoi vous me demandez cela ? Libération de quoi ? Il y a souvent un rapport à des forces occultes ou démoniaques. On peut prier avec qq pour que la personne soit libérée.

Comment accompagner vers la vie sacramentelle ?
P Pitaud :
Un des moyens de progrès dans la vie spirituelle, c’est la vie sacramentelle. Ds l’accomp, c’est une question qui doit venir. La place que va prendre l’eucharistie dans la vie des gens... De temps en temps devrait venir la question de la place que l’on accorde à la vie sacramentelle.

Quels sont les éléments qui permettent de discerner ce qui relève d’un trouble de la vie psychique et spi ?
Pascal Parinet
 : Prenons l’exemple du scrupule. S’il arrive parce qu’on a fait qc de mal, c’est normal. Mais si cela devient obsessionnel, cela devient un trouble psychique.

Préciser ce que veut dire « questionner par Jésus-Christ » ? Quelle forme doit prendre le questionnement de l’accompagné pour ne pas être intrusif ?
Paul Hervé Vintrou
 : quand je suis dans une relation fraternelle, je m’intéresse à la personne. C’est parce que JC demeure en moi que je peux poser une question.

Les membres de l’eglise en accompagnement spi sont-ils supervisés ?
Père Bernard Pitaud 
: Je ne suis pas sûr qu’il y ait bcp de supervision. C’est difficile de constituer des groupes dans les diocèses pour des pbs de discrétion. Car on apporte un cas et on explique comment cela s’est passé. Et pourtant, je ne connais rien de plus efficace que la supervision ! Mais c’est difficile à mettre en œuvre et cela suppose un volontariat.

A quoi l’accompagnateur peut-il jugé que l’accompagnement porte du fruit ?
Père Bernard Pitaud :
Cela se voit. Quand des gens laissent la prière s’installer dans leur vie. Quand l’eucharistie devient essentielle. Quand ils font le lien entre la Parole et leur vie quotidienne. Quand ils se libèrent de choses dont ils se sentaient esclaves. Un accompagnement régulier produit normalement des fruits. La question de la durée et de l’intentionnalité sont importantes.

Avec quoi je prends mes décisions ?
Pascal Parinet
 : C’est avec notre conscience. La force de notre décision peut ne pas être suffisante/à certains mécanismes comme la boulimie. La pulsion peut être plus grande que la décision.

Peut-on travailler le transfert et contre-transfert ds l’AS ?
Pascal Parinet : Je ne vous le conseille pas. Cela est inconscient. En psychanalyse, c’est un outil pour soigner la personne. En Gelstad, on bloque parfois le transfert en disant « je ne suis pas ton père ». Et on travaille le contre-transfert en supervision. On va dire : « je suis inquiet pour lui » ou « il m’énerve »…

Où est la limite entre silence et parole de la part de l’accompagnateur ?
Paul Hervé Vintrou
 : Etre silencieux, c’est écouter.

Comment l’accomp spirituel chrétien peut-il intervenir ds des milieux non-chrétiens (soins palliatifs) ?
Paul Hervé Vintrou
 : J’ai lu le livre de Claire Fourcade, un médecin qui accomp dans le cadre des soins palliatifs. A lire.

Pouquoi les mécanismes de défense ?
Pascal Parinet
 : La projection est un de ces mécanismes.

Facilitateur de croissance, supervision… comment organiser tout cela ?
Pascal Parinet : Je la pose aux organisateurs…

DEJEUNER

APRES-MIDI
« Les abus de conscience : liberté / emprise », par Jean-Guilhem Xerri, psychanalyste et essayiste, auteur de Prendre soin de son âme. Et Revivez de l’intérieur.
Les révélations récentes révèlent que l’AS peut-être le terreau pour des abus. La psycha a bcp travaillé le pb de l’emprise. Le transfert est un lieu d’excellence pour l’emprise. L’emprise = empiètement, pouvoir, empire. L’abuseur empiète sur une intimité. Déf. : c’est une domination qui peut être physique, intellectuelle, psycho et spirituelle. Elle amène à une atteinte à la liberté de l’exercice de son désir profond. Freud a bcp travaillé sur le sujet. Jean-Claude Maes a bcp travaillé sur le sujet. Du côté de l’abuseur : pulsion de mort, séduction narcissique très altérée. Il s’agit de l’annulation du désir de l’autre. Une neutralisation du désir de l’autre. Il ne s’agit pas pour l’abuseur de voir l’autre souffrir – ce qui est le cas du sadisme. On est ds qc qui se rapproche de l’ignorance du désir de l’autre. Ce qui se joue, c’est une réduction de l’altérité. Il s’agit d’envahir le désir de l’autre pour la faire disparaître à son profit. On peut penser au masochisme : éprouver le désir d’être dominé. Ou aux courtisans : la servilité. Ou le syndrome de Stockholm : une victime a des sentiments pour des bourreaux. Les réalités vécues et qui se déploient dans une relation sont polysémiques.

Les diff phases de l’emprise pathologique, ce sont les diff phases du deuil (déni, tristesse, colère…). Elles ne sont pas forcément pathologiques. Il n’y a jamais d’abus à deux mais toujours trois.
1ère phase : la séduction – physique ou… intellectuelle. Cette phase est toujours présente sur différents registres.
2è élément : les personnes particulièrement en risques de se trouver ss une emprise pathologique sont des personnes en quête, en « remaniement existentiel ». On sort d’une phase difficile, on cherche du sens… L’abuseur va se présenter comme celui qui s’est mis au bout de la quête.
3è élément : le vice de consentement. On fait un pas de plus. L’abuseur va faire dire à la victime ce qu’il attend d’elle. On travestit le consentement. Ex : une jeune religieuse qui n’a pas encore fait ses vœux dit : « Je veux me donner au Seigneur ». « Mais tu sais que je suis le représentant au Seigneur, pour te donner au Seigneur, donne-toi à moi ! ». C’est là que les abus spirituels sont destructeurs.
4è élément : le syndrome de Stockholm : en Suède braquage de banque qui a duré plusieurs jours. Stupeur à la TV de voir qu’à la fin du kidnapping, certains des otages clamaient leur sympathie pour les agresseurs. On le voit dans toutes les situations où il y a une mise sous dépendance. C’est un mécanisme défensif pour survivre, une « formation réactionnelle », pour l’ego n’explose pas devant la menace permanente et durable. On a cela aussi dans les violences faites aux femmes.
5è élément : la dépendance à la relation. C’est aussi une annulation du désir.
6è élément : la déconstruction de la personne. C’est le désir profond de l’autre qui est altéré.

Dans ces contextes, il est rare qu’il y ait un abus à deux (abuseur/victime), il y a souvent un 3è terme. Exemple : le père Preynat, les bonnes familles lyonnaises savaient. Mais il parlait bien, son patronage fonctionnait bien… Tel ou tel amène des vocations, il a un charisme incroyable. Jean Vanier : le 3è terme, c’est tous ceux qui valorisent la personne. Dans les familles, là où il y a 99 % des abus qui abuse ? Le tonton super, le parrain génial. Il abuse… parce qu’il est génial. C’est un élément majeur. C’est quoi ce besoin d’avoir des saints et des idoles ? Dans le psychisme humain, le besoin d’idolâtrie est inscrit selon Freud.

L’emprise est le propre de toute relation asymétrique. Le pb ce n’est pas l’emprise mais la transgression. Ex de transgression pour un psy : le psy se met en colère et engueule la personne qu’il reçoit. Autre ex : des comportements non appropriés comme poser des questions intrusives, rompre le secret, faire des confidences personnelles à son patient. Ou se laisser séduire. Les passages à l’acte sensuels ou sexuels. Une augmentation du prix de la séance autoritaire. Si on veut schématiser, il y a deux cas de figure :
-       Il peut y avoir une transgression ponctuelle et occasionnelle. Je me suis laissé séduire par une patiente. On ne m’y reprendra pas ! On est du côté d’une dérive. On est du côté du contre-transfert. Je vais être sensible à telle tentative de séduction… Cela a touché qc en moi. Cela se travaille
-       La transgression est récurrente et structurelle. Elle n’est pas liée au contre-transfert mais elle est liée à la structure psychique de la personne. Quand on a affaire à un psy qui est toujours dans la transgression, cela veut dire que cette personne ne peut pas fonctionner autrement.
-        
-L’emprise normale suppose un attachement. On est du côté d’une guérison. Il n’y a pas l’intentionalité d’une emprise. Elle se déploie dans un transfert qui est analysé et conscientisé.
-L’emprise pathologique suppose un asservissement, un rétrécissement de la liberté profonde. On est du côté de la prédation, de la maltraitance, de la dépendance. On est dans le fantasme du psy abuseur. Suppression de l’altérité.
Quand on est dans une relation d’aide, il faut accepter l’asymétrie constitutive de cette relation. Qd on sent qu’il y a qc d’affectif qui se joue, il faut l’accepter.

L’attitude ? Freud était venu se former à Paris à la Pitié Salpêtrière chez Charcot. On pratiquait l’hypnose autoritaire. Il l’a pratiquée. Il a observé que cet exercice était inefficace et que cela suscitait un risque d’entrer dans une séduction narcissique. Il y avait un dévoiement de qc. C’est comme cela qu’est née la psychanalyse ! C’est au thérapeute de s’abandonner au chemin pris par le patient. Il a mis en place une éthique de l’abstinence (et non de la neutralité). Respect total du fort interne. Le cadre qui protège : je ne reçois pas des patients à toute heure du jour et de la nuit, les entretiens durent 45 mn… Il y a une analyse du transfert. Le psy n’est pas au service de l’autre mais au service de la relation du patient avec lui-même (de l’accompagné avec Dieu pour l’AS).

La formation et la supervision : la supervision est indispensable. Une supervision spi et psy.
La formation : c’est nécessaire de connaître les pièges de la relation d’aide.

« Supervision et supervisé », par Micheline Claudon (à la retraite, appelée auprès du diocèse de Paris) et Caroline Dry (consacrée, de spi ignatienne, 54 ans), psychologues cliniciennes.
MC : On va répondre partiellement. J’ai été frappée ce matin par le fait que cette question de la supervision n’allait pas de soi. Est-ce qu’on a le droit de s’écouter ? Est-ce un devoir de s’écouter ? J’avais coutume de dire à mes jeunes collègues : « Tu soignes qui dans la famille en faisant ce métier ? ». Il faut se demander quels bénéfices cela nous apporte personnellement. Qu’est-ce que cette posture vient réveiller en moi ? N’ayez pas peur de la supervision. Cela va vous permettre de grandir. C’est incontournable pour les psychologues mais personne ne vient vérifier qu’ils sont supervisés. J’ai tel accompagnement, comment moi cela m’anime ?

CD : Je vais essayer de partir de ma propre exp d’être supervisée dans mon accompagnement spi. Le terme de supervision est assez récent et correspond à qc de la redécouverte de l’AS individuel par d’autres personnes que les moines.
Définition de la « supervision » :
-super/au-dessus/d’une expérience plus profonde,
- « contrôler un travail qui a été fait sans entrer dans les détails ». 
Un contrôle se fait toujours / à quelque chose. Réviser implique re-viser. Vérifier une qualité générale dans un mouvement. C’est une rencontre entre deux accompagnateurs. Un superviseur qui va écouter quelque chose de la dynamique, relue par la supervisée.

MC : Ds l’accomp spi, le psy va chercher une validation de son travail. Mais ils ne sont que deux. Or ds l’AS, on est à trois. « Le terme de supervision est un terme fourre-tout » (Journal des psychologues). Quand on est accomp, c’est important d’être à l’écoute de ses propres mouvements psychiques.

CD : Je partage mon expérience de supervisée. Qu’est-ce que j’ai perçu ds ma relecture de mes mouvements ? Paix, joie, tristesse ? Qu’est-ce que j’ai ressenti ? Il n’y a aucune vérité psychologique qui ne soit concordante avec la dim de l’être spirituel. La vérité de l’être psychologique ne peut être que concordant qu’avec l’unité de l’être spirituel.
2è axe sur la forme. Ce qui peut nous aider pour l’accompagnement ? Suis-je restée silencieuse ? Pourquoi ? Ai-je écouté jusqu’au bout ? Il s’agit de verbaliser les mouvements qui m’ont traversée.

MC : J’ai été interviewée sur la question des addictions. Et j’ai eu plusieurs demandes d’accompagnement après parce que j’étais chrétienne.
Où chercher de la supervision ? Qd on appelle à l’AS, on doit proposer de la formation et de la supervision qui est une formation continue et tjs nécessaire. Avant d’accepter d’accompagner spi, il faut demander des espaces de supervision (dans un centre spirituel, dans un groupe à monter…).

« La mission ecclésiale de l’accompagnement », Mgr Benoist de Sinety, vicaire général.
Je suis prêtre à Paris depuis 22 ans et depuis 4 ans vicaire gl. Deux anecdotes qui m’ont fait réfléchir :
-Qd j’étais curé de Saint-Germain-des-Prés, au moment du synode sur la famille, j’avais proposé à des paroissiens de participer à une réunion à condition qu’ils soient mariés divorcés ou séparés. Une quarantaine de personnes est venue. Tous m’ont dit, est-ce qu’il existe pour nous une possibilité de salut ?
-j’ai été 11 ans aumônier d’étudiants. L’un d’entre eux était venu me voir. « J’ai un truc à te dire très important : je viens de faire mon coming out. Je veux continuer de suivre Jésus, comment on fait ? » On peut être pris d’une envie d’un monde lisse. Mais ce monde rêvé serait un monde terrible qui manquerait de poésie. Comment faire ? La mission d’accomp est une mission universelle de tous les chrétiens. Où es ton frère ? L’AS ne consiste pas à prendre la place d’un père ou d’une mère de substitution. L’expression « père spi » est ambigüe. « Dites-moi ce que je dois faire ? » Et bien non. Il ne s’agit pas de prendre soin de l’autre en cherchant pour lui un travail mais de la relation à Dieu de mon prochain. C’est cela qu’il nous faut essayer de comprendre. Comment est-ce que nous acceptons que notre prochain ne soit pas tel que nous voulons qu’il soit ? Comment nous pouvons rendre ce service, sans nous prendre comme des démiurges ? Comment qq qui accompagne peut-il imaginer qu’il puisse ne pas être accompagné ? Cette mission d’AS nous est donnée à tous mais pas de la même manière. Comment est-ce que tout cela construit le corps de l’Eglise ? On peut avoir tous les talents comme prêtre et ne pas savoir accompagner spirituellement. Comment savoir si j’y suis appelé ou pas ?
-D’abord en ayant une relation à D par la prière qui m’éclaire sur moi-même. Aucune relation n’est vraiment chaste mais le savoir est un premier pas de sagesse et de purification.
-Et être accompagné soi-même par un frère qui va être témoin de la manière dont l’Esprit saint va résonner en moi.
Qu’il y ait des besoins, c’est indéniable. Des jeunes et moins jeunes veulent s’engager avec enthousiasme. Il faut aussi accompagner des catéchumènes, des fiancés. Chacun en sent ou pas le besoin à tel ou tel moment de l’existence. Et il doit trouver quelqu’un de disponible dans l’Eglise. Et à qui proposer ses services quand on a discerné que cet appel était le mien ? Il faut réfléchir ensemble à la manière de bâtir ce projet. Amoris Laetitia le rappelle avec force : « Nous devons aider nos frères à éclairer leur conscience ». Dans d’autre diocèses, des dispositifs se créent dans les paroisses ou des lieux spirituels. Cela nous presse à prendre cette question au sérieux.


Les accompagnateurs spirituels questionnent leurs pratiques Christophe Henning ,  le  10/03/2020 à 16:46   La Croix Alors qu’on...