mercredi 11 mars 2020

Les accompagnateurs spirituels questionnent leurs pratiques


  • Christophe Henning




  • Alors qu’ont été révélées des situations d’abus – notamment commis par Jean Vanier –, deux cents accompagnateurs se sont retrouvés à Paris, le 7 mars, pour tenter de définir les règles de l’écoute spirituelle. Si la relation asymétrique peut favoriser un risque d’emprise, la supervision des pratiques donne un cadre à l’accompagnement.
    « Où est ton frère ? » C’est par ces mots que Mgr Benoist de Sinety est intervenu lors de la journée de réflexion autour de l’accompagnement spirituel organisé par le diocèse de Paris, samedi 7 mars. Le vicaire général a insisté : « L’Église a une mission universelle d’accompagnement de tous les chrétiens qui le souhaitent. » C’est pour réfléchir à la manière d’accompagner que deux cents personnes, prêtres, diacres, laïcs, se sont retrouvées dans la crypte de l’église Notre-Dame-des-Champs.
    Loin du bourdonnement du boulevard du Montparnasse, les intervenants sont entrés dans la complexité de l’accompagnement spirituel qui n’est ni du coaching, ni une psychothérapie. « Répondre à la demande d’un accompagné, c’est prendre soin de sa relation à Dieu », confiait Mgr de Sinety qui, alors aumônier d’étudiants, se souvient des jeunes qui voulaient un « père spi ».
    Qu’attendent ceux qui cherchent un accompagnement ? Difficile à dire, tant les demandes peuvent être diverses. Pour ce religieux, l’accompagnement est un appui essentiel pour baliser son chemin dans la foi. Anne-Marie, elle, accompagne, dans le cadre du catéchuménat, des trentenaires vers le baptême, mais n’a pas trouvé une oreille disposée à l’accompagner personnellement. Pourtant, des chrétiens se forment pour répondre à la demande, des laïcs notamment.
    Le père Benoît Bourgoin, prêtre du diocèse de Paris et initiateur de la journée, le rappelait : « Si je fais de l’écoute, c’est parce que j’en ai le goût, le don, et que j’ai été appelé à ce service.» Pour faire face à la demande, il n’y a pas que les prêtres – pas toujours les mieux formés d’ailleurs : religieux, religieuses et laïcs développent une capacité d’accompagnement qui pourrait répondre aux demandes en hausse.
    Fixer les règles, donner des pistes, et proposer des formations : « Il n’y a rien de plus dangereux que de penser que nous savons faire », poursuit le père Bourgoin, qui insistait aussi sur la mise en œuvre d’une supervision, cette relecture régulière des pratiques. Le père Bernard Pitaud, sulpicien, insistait : « Accompagner n’est pas de l’ordre du savoir, mais du savoir-faire, de l’expérience. » Une question d’oreille, sachant qu’il y a toujours, pour l’accompagnateur, « du parasitage sur la ligne, les filtres de son propre cheminement ».
    Qu’est-ce qui se joue dans cette écoute ? « L’accompagnateur souhaite d’abord la liberté de l’autre, que la personne puisse dire “je” », poursuit le père Pitaud. Ce cheminement dépend de ce qui a poussé l’accompagné à entamer une démarche : est-il confronté à une épreuve, deuil, maladie, séparation ? Doit-il engager un choix de vie, vocation, orientation professionnelle ? Veut-il avancer dans la foi ? « Tout le monde souhaite être accompagné et personne ne sait ce que c’est », lâche un prêtre. Au-delà de la boutade, c’est l’écho d’une réalité­ : l’accompagnement s’invente entre celui qui écoute et celui qui cherche, pour percevoir « les traces de Dieu à l’œuvre ».
    Accéder à une intériorité plus grande, voilà l’enjeu. Une démarche qui peut conduire l’accompagné à se dévoiler : « Il doit pouvoir tout dire, aller jusqu’au bout de ce qu’il est, sans être jugé », ­rappelle le père Pitaud. C’est dire l’infini respect dont doit faire preuve l’accompagnant.
    Comment l’accompagnateur ne risquerait-il pas de se sentir tout-puissant face à la personne qui se livre ? L’actualité récente et les abus dont Jean Vanier a pu se rendre coupable, venant après de nombreux autres cas, en sont la cruelle démonstration.
    Accompagnant-accompagné, parent-enfant, enseignant-élève… « Il y a toujours une question d’emprise dans une relation asymétrique, souligne Jean-Guilhem Xerri, psychanalyste et chroniqueur dans La CroixLe risque d’abus survient lorsqu’il y a “empiétement”… » Une emprise d’autant plus aisée quand l’accompagnateur semble un modèle, une référence. « De fait, il y a trois ”personnes” dans la relation pathologique, la victime, l’abuseur, et l’environnement qui permet l’emprise. » Les effets destructeurs sont profonds : « Dans les cas d’abus, tient à rappeler Jean-Guilhem Xerri, l’accompagnateur fait en sorte de détruire la liberté de l’autre. »



    Émission  RCF. Grand Angle

    https://rcf.fr/spiritualite/fondamentaux-de-la-foi/accompagnement-spirituel-apprendre-la-juste-ecoute

    dimanche 8 mars 2020


    Intervention du Père Bernard Pitaud pss

    Accompagnement spirituel Paris 7 mars 2020

    L’accompagnement spirituel n’est pas de l’ordre d’un savoir qu’on aurait assimilé et qu’il suffirait ensuite d’appliquer. Il est de l’ordre du savoir-faire, donc de l’expérience, de l’ouvrage qu’on remet sans cesse sur le métier car il n’est jamais parfait. On lui a souvent attribué comme qualification cette expression de saint Grégoire le Grand : ars artium, c’est l’art des arts, en oubliant que saint Grégoire ne parle pas à strictement parler de l’accompagnement spirituel, mais de manière plus générale de ce qu’il appelle : le gouvernement des âmes, en latin « regimen animarum ». Le cardinal de Bérulle a repris cette expression dans un petit opuscule qu’il a composé, intitulé : Mémorial de quelques points servant à la direction des supérieurs, qu’on utilise souvent comme un guide pour l’accompagnement spirituel. Et de fait, la manière dont il parle du gouvernement peut s’appliquer sur bien des points à ce que nous appelons aujourd’hui l’accompagnement, mais l’objet de la réflexion de Bérulle est plus large. Quoi qu’il en soit, cette dénomination s’est peu à peu imposée au cours de l’histoire et classe l’accompagnement parmi les arts ; l’accompagnateur est considéré, je ne dirai pas forcément comme un artiste, mais au moins comme un artisan, qui doit aider à façonner l’objet d’art que devient la personne humaine entre les mains de Dieu. Car le véritable artiste ou artisan c’est Dieu lui-même. La Bible emploie elle-même l’image du potier : Dieu façonne son peuple pour que celui-ci devienne un beau vase qui lui rende honneur. Madeleine Delbrêl qui était artiste, poète, décide, en 1928, de changer l’orientation de sa vie. Elle explique cela dans un très long et beau poème intitulé La sainte face du monde, où elle montre comment elle va passer de l’art au sens classique du terme à l’art de la charité. Elle va d’une part se laisser façonner, sculpter par Dieu pour que son visage humain, toute sa personne rayonne de la charité de Dieu, et aussi pour qu’elle devienne elle-même artisan pour les autres de ce façonnement.
    En prenant les choses de cette manière, on s’aperçoit que l’accompagnement spirituel a quelque chose à voir avec la beauté. Et de fait, l’accompagnateur spirituel sera souvent appelé à admirer le travail de Dieu dans une personne, à voir avec joie la charité envahir quelqu’un et le transformer intérieurement et extérieurement. A condition bien entendu que cette admiration soit fondée et qu’elle ne relève pas de cette complaisance qu’on peut trouver parfois chez des gens chez lesquels la sensibilité va prendre le pas sur la lucidité, et chez lesquels l’admiration peut devenir naïveté.

    Si nous continuons cette métaphore de l’artisan, nous voyons tout de suite apparaître un autre point qui est le caractère jamais pleinement achevé de l’accompagnement : la personne accompagnée n’est jamais parfaite. Les artistes sont toujours insatisfaits de l’œuvre qu’ils ont produite, les peintres reprennent sans cesse leurs tableaux, et celui qui s’imagine être arrivé au sommet de la sainteté est sans doute rendu moins loin qu’il ne l’imagine ; mais surtout l’artiste ou l’artisan lui-même est très conscient de ses limites, de ses maladresses, de son manque de compréhension profonde de l’autre. Comment ai-je pu ne pas percevoir la profondeur de ce sentiment de détresse, de solitude ? Comment n’ai-je pas perçu le lien entre ces deux événements dont on m’a parlé ?
    Question d’oreille ! Aujourd’hui on dit que l’accompagnement est d’abord une écoute, alors qu’autrefois on faisait facilement d’une rencontre d’accompagnement une séance de questions-réponses. En tout cas l’accompagnateur donnait des conseils. Du moins c’est ce que l’on dit, pour mieux typer deux attitudes en effet assez opposées et mieux se glorifier d’avoir enfin trouvé la juste posture. Il est assez facile de caricaturer le passé pour mieux se persuader qu’on prend place dans la modernité. C’est dans le même mouvement qu’on va dire que hier on dirigeait et qu’aujourd’hui on accompagne. Mais bien des accompagnateurs d’aujourd’hui sont très directifs et bien des directeurs d’autrefois étaient très écoutants. On nous dit qu’au XVII° siècle, dans sa relation avec M. de Bretonvilliers son futur successeur, M. Olier, le fondateur de Saint-Sulpice, « écoutait tout et remarquait de grands effets de grâce dans cette âme ». Beaucoup de grands spirituels de cette époque étaient d’abord attentifs à ce qu’ils percevaient de l’action de Dieu dans la vie de ceux qu’ils appelaient leurs « pénitents ». Ils avaient pour beaucoup d’entre eux été à l’école du Père de Condren, successeur de Bérulle à la tête de l’Oratoire de France, un homme qui écoutait beaucoup et qui parlait fort peu.

    Tout ceci pour dire qu’il ne suffit pas d’affirmer que l’accompagnement est une écoute pour écouter vraiment. Car nous savons bien qu’il y a toujours, que nous le voulions ou non, du parasitage sur la ligne. Celles et ceux d’entre vous qui sont affectés dans leur audition par des acouphènes en savent quelque chose. Dans notre écoute il y a aussi des parasites ; il y a surtout les filtres de notre propre expérience qui n’est jamais complètement celle de l’autre que nous écoutons. Les grands directeurs spirituels de l’histoire de l’Eglise insistent beaucoup sur le fait que chaque personne humaine est unique. Et pour la rejoindre dans son expérience, il faut se déplacer, quitte à entrer dans un univers où nous avons moins de repères, où nous ne sommes pas très sûrs de nous. Et peut-être est-ce mieux ainsi. Ne pas avoir trop de certitudes. Ne pas vouloir faire parcourir à quelqu’un un chemin qui n’est pas le sien. En tout cas, on peut dire que celui qui se croit un bon accompagnateur spirituel ne l’est déjà plus, si tant est qu’il ne l’ait jamais été. Commencer un accompagnement est toujours une nouvelle aventure. Il y a aussi, vous le savez bien, les auto-censures qui interviennent inévitablement, des choses que nous n’avons pas suffisamment assimilées dans notre propre histoire et sur lesquelles nous n’allons pas nous arrêter quand quelqu’un d’autre nous en parle, parce que, inconsciemment c’est un terrain sur lequel nous ne sommes pas très à l’aise. Nous avons aussi des positions idéologiques qui provoquent nos réactions spontanées qui ne sont pas toujours celles dont l’autre aurait besoin. Celui qui est un homme d’ordre et qui a plutôt tendance à être soumis à l’autorité, risque de ne pas entendre le besoin de confrontation qui s’exprime chez l’autre à telle ou telle période de sa vie et qui sera pour lui ou elle une étape importante dans sa quête d’une plus grande liberté. Celui qui est très sensible à l’injustice risque de réagir trop vivement lorsqu’il se trouve en face d’un manque de justice dont est victime la personne qu’il accompagne. Il ne va donc pas l’aider à trouver l’attitude juste, celle qui lui est personnelle et qui, effectivement lui convient. On pourrait continuer longtemps ainsi. On ne ferait que montrer avec plus de détails que l’accompagnateur parfait, patenté, labellisé, n’existe pas. C’est la même chose dans tous les « métiers » relationnels. Les psychologues eux-mêmes le savent très bien ; le diplôme les qualifie aux yeux de la société, il ne les qualifie pas absolument. C’est pourquoi ils pratiquent la supervision.

    Dans le cas de l’accompagnement spirituel, deux dimensions entrent en jeu : le relationnel et le spirituel. Le relationnel : pour devenir un meilleur accompagnateur, il faut quand même se connaître un peu, avoir compris quelque chose de sa propre histoire, être conscient de ses réactions spontanées et de leurs risques. Quand nous sommes dans une relation d’accompagnement, nous ne sommes pas dans un débat d’idées. Ce sont deux personnes qui se rencontrent. Ce qui doit d’abord compter pour nous, c’est que l’autre accède à une liberté de plus en plus grande par rapport à ses propres convictions. Cela suppose qu’il puisse les dire sans se sentir jugé ou contesté immédiatement. C’est à cette seule condition qu’il pourra prendre de la distance par rapport à ses convictions et, si besoin est, les remettre en question ou au moins laisser de l’espace pour qu’une autre opinion puisse s’exprimer. Ce que nous souhaitons d’abord, c’est la liberté de l’autre. Car le respect de sa liberté est le seul moyen de lui permettre de donner toute sa mesure, de déployer toutes ses possibilités. Le premier désir d’un accompagnateur c’est donc que la personne qu’il accompagne puisse dire « je », qu’elle prenne vraiment à son compte ses décisions, ses actes, qu’elle ne soit pas le jouet de ses habitudes, de son entourage, de l’opinion des autres. En même temps, parce qu’il s’agit d’accompagnement spirituel, le désir de l’accompagnateur est de permettre à la personne accompagnée de marcher vers la liberté évangélique, celle du Christ qui accomplit sa vie en la donnant, celle que saint Paul identifie à la charité dans la lettre aux Galates, au ch. 5. Il faudrait trop de temps pour développer cette harmonie qui existe entre la liberté au sens commun du terme, celui d’une personne qui prend pleinement en charge son existence et qui assume ses choix et la liberté de l’évangile qui est ouverture à l’autre jusqu’au don de soi selon le Christ. Mais ce que je voudrais surtout souligner, après avoir parlé d’art et d’oreille ouverte, c’est que l’écoute n’est pas neutre, elle ne va pas sans désir. L’accompagnateur est habité par un désir, justement celui de la liberté de l’autre et celui de l’aider à accomplir pleinement sa vie dans le Christ. Et le désir de l’accompagnateur va aider la personne accompagnée à croire qu’elle peut accomplir sa vie, qu’elle peut aller au-delà de ce qu’elle est aujourd’hui sans que ce soit pour elle une contrainte mais au contraire un espace de libération. Ce désir ne va jamais se manifester directement : je veux cela pour vous ; mais il va s’exprimer à travers un encouragement, à travers l’ouverture d’une petite porte dans ce qu’on croyait un mur lisse, à travers la perception d’une petite lumière dans le tunnel qu’on croyait totalement obscur. Certes tout n’est pas possible ; il faut être réaliste. Mais à l’intérieur du possible, le progrès est toujours possible. L’accompagnateur est quelqu’un qui croit en même temps au travail de Dieu dans l’autre et à la possibilité de l’autre de consentir au travail de Dieu. Tout l’art consiste à ce que cette foi s’exerce dans le plus grand respect de la liberté.
    Mais cette foi est importante pour soutenir le dynamisme de la personne accompagnée. Car celle-ci a aussi bien sûr un désir. Cela va de soi puisqu’elle demande un accompagnement. C’est donc bien qu’elle veut quelque chose. Mais justement que veut-elle ? L’Église n’a jamais rendu obligatoire l’accompagnement spirituel, sauf pour les futurs prêtres et religieux, parce qu’elle estime que le rôle qu’ils jouent dans l’Église est trop important pour que le discernement des vocations ne soit pas fait dans les conditions les meilleures possible. Mais pour les autres chrétiens, l’Église n’a jamais urgé ce moyen dont le but est d’aider à marcher vers la sainteté. Et la sainteté est le but de toute existence chrétienne. Être un saint, non pas un saint béatifié ou canonisé, mais un saint, c’est-à-dire quelqu’un qui est sanctifié par la grâce de Dieu et qui cherche à ce que rien dans sa vie n’échappe à cette grâce, autant qu’il est possible. Et pour cela, on se fait aider par l’accompagnement qui est traditionnel dans l’Église mais qui a pris des formes diverses au cours de l’histoire. Il y a donc là deux désirs qui se rencontrent et dont l’un soutient l’autre.
    Si c’était vraiment le cas à chaque fois qu’il y a accompagnement, on peut dire que les choses seraient plus simples. Mais le désir de la personne accompagnée est-il toujours aussi net et clair que ce que je viens d’exprimer ? L’expérience montre que non. Il y a des personnes qui viennent vous voir parce qu’on leur a dit qu’elles feraient bien de se faire accompagner. Mais elles n’ont pas forcément pris à leur compte cette suggestion. Il y a des personnes qui viennent vous voir parce qu’elles ont un problème et qu’elles cherchent à y voir plus clair et à trouver une solution qui soit vraiment chrétienne. C’est peut-être le cas le plus fréquent. Mais quand le problème est dépassé, quand on l’a sinon réglé, du moins appris à le vivre, la question de l’accompagnement se repose. Il est possible que la personne ait perçu, à travers la question immédiate à laquelle elle souhaite légitimement répondre, des enjeux plus profonds : par exemple, l’intérêt d’accéder à une intériorité plus grande dont le cœur est la présence de Dieu et la présence à Dieu ; la place du rapport à Dieu dans la vie quotidienne peut alors s’amplifier et devenir comme un milieu dans lequel on va vivre simplement ; ou encore la découverte des mouvements intérieurs qui permettent de repérer l’action de l’Esprit-Saint, et qui montrent que le discernement spirituel peut se réaliser non pas seulement dans les moments de la vie qui sont plus difficiles ou plus tourmentés mais aussi dans le quotidien de l’existence, pour aider à des choix meilleurs. Et cela peut prendre d’autres formes. Autrement dit, le travail sur soi opéré dans la foi pour résoudre un problème sérieux qui se pose dans une existence humaine peut devenir un lieu de révélation. On va comprendre que ce qui apparaît d’abord comme un problème à résoudre interroge profondément sur la relation à Dieu et aux autres. C’est là évidemment que le rôle de l’accompagnateur est majeur pour faire percevoir que les vraies solutions se situent au niveau de la manière de vivre la relation à Dieu et aux autres et non pas au niveau des conseils à recevoir pour faire ou ne pas faire certaines choses. Dans ce problème qui vous préoccupe, qu’est-ce qui est vraiment en jeu pour vous-même dans votre relation à ceux qui vous entourent et pour votre foi ? Certaines personnes vont découvrir alors qu’au-delà de ce problème précis à résoudre ou au moins à apprendre à situer, il y a tout un chemin qui s’ouvre et qui ne fait que commencer. D’autres en resteront là. C’est ainsi. Cela ne doit pas décevoir l’accompagnateur. Ce n’est peut-être pas le moment pour la personne. Encore une fois, l’accompagnement n’a rien d’obligatoire. Dans l’histoire de l’Eglise, il a toujours existé sous une forme ou sous une autre. Mais dans les premiers siècles et jusqu’au Moyen-Âge, il a surtout touché les milieux monastiques, dont la démarche vers la sainteté apparaissait comme plus évidente. On peut d’ailleurs aujourd’hui se servir avantageusement des conseils de ces moines et moniales qui avaient une connaissance très approfondie, et malgré parfois les apparences, très incarnée, de l’âme humaine. C’est surtout à partir de la Renaissance, quand il est apparu clairement (car on ne le niait pas jusque-là, mais on avait du mal à s’en persuader), que la sainteté n’était pas réservée aux moines, mais que les laïcs, quelle que soit leur situation, pouvaient aussi bien y accéder, que l’accompagnement (on a appelé cela plus tard la direction) est devenu, disons, chose plus commune. Un premier pas très important en ce sens a été fait par Ignace de Loyola dont les Exercices spirituels ne sont pas réservés, même à son époque, aux religieux et aux prêtres. Et les Exercices impliquent une manière de direction spirituelle, comme on dit. Ensuite, au tournant des XVI° et XVII° siècles, St François de Sales sera reconnu comme un grand directeur spirituel, un des plus grands de l’histoire de la spiritualité, en tout cas l’un des plus connus. Et à sa suite, tout le XVII° siècle sera le grand siècle de la direction spirituelle. Mais vous pouvez le constater : c’est à l’époque même où les rapports de l’individu et de la société se transforment au bénéfice de l’individu que la direction spirituelle prend une place plus importante. Tout le monde, peut accéder à la sainteté, mais de plus, chacun peut y accéder d’une manière personnelle et unique qui est la sienne propre. Et tous les grands directeurs spirituels du XVII° siècle, Condren, Olier, Nicolas Barré, Gaston de Renty, et combien d’autres, insistent sur le fait que chacun est unique et que son chemin lui est propre et qu’on ne peut pas proposer le même itinéraire à tout le monde. Jean-Jacques Olier déclare que le directeur doit être comme un caméléon, ce qui ne veut pas dire qu’il cesserait d’être lui-même, mais qu’il doit s’adapter à chacun de ceux qui viennent lui parler, comprendre chacun dans ce qu’il est, dans sa configuration personnelle, affective, intellectuelle, familiale, professionnelle, dans son histoire aussi, toujours si complexe et si influente sur les adultes que nous croyons être.
    L’accompagnement ne peut donc pas se réduire à une série de conseils plus ou moins stéréotypés, même si nous les distribuons de manière adaptée. Tout simplement parce que le travail de l’Esprit-Saint se fait d’abord en l’autre ; et notre travail à nous, c’est de rendre l’autre attentif à ce travail, de l’aider à découvrir que cette parole de l’Ecriture à laquelle il est plus sensible, que ce mouvement intérieur qu’il ressent depuis quelque temps, que cet événement, cette rencontre qui l’a profondément marqué, attristé ou réjoui, sont peut-être des appels que Dieu lui adresse pour transformer sa vie, pour la rendre plus ouverte à la rencontre de Dieu lui-même et des autres. La clef de son évolution spirituelle, elle est d’abord en l’autre. Ce n’est pas nous qui allons lui ouvrir la porte, c’est lui qui va l’ouvrir avec notre aide. C’est lui qui va découvrir les obstacles qui sont en lui et qui va trouver le moyen d’user les résistances qui font obstacle à l’action de l’Esprit-Saint et à cette ouverture indéfinie qu’il veut laisser se déployer en nous au service de nos frères et de nos sœurs et d’abord à Dieu lui-même.

    C’est justement pour cette raison que l’accompagnement se situe sur le registre de l’écoute parce que nous ne sommes pas des devins. Il y a des gens qui nous prennent pour des devins, comme si nous comprenions mieux que l’autre ce qui se passe en lui. Croire cela, ce serait s’imaginer être tout-puissant. De toute façon, les faits nous obligent vite à être plus humbles. Car l’évolution d’une personne prend souvent des chemins auxquels nous n’avions pas pensé. Permettre à quelqu’un de parler, lui offrir le moins d’obstacles possible à la venue au jour de sa parole, lui offrir cette confiance nécessaire à l’ouverture du cœur, lui donner la certitude qu’il ne sera pas jugé et qu’il pourra aller jusqu’au bout de sa parole, c’est lui permettre de venir au monde une nouvelle fois, de s’engendrer lui-même et en même temps de se laisser engendrer par la parole de Dieu.

    Car il ne faut jamais oublier, et là nous ouvrons encore une nouvelle dimension, que si nous travaillons dans la foi, la parole humaine doit être mise sous la Parole divine. Le rôle de l’accompagnateur est, sur ce plan encore, fondamental, pour suggérer un passage de l’Ecriture ou mieux encore poser la question : est-ce que ce que vous êtes en train de dire ne vous rappelle pas un passage d’Evangile ? Mais c’est aussi une nouvelle exigence, car il faut écouter non seulement ce que la personne nous dit mais en même temps écouter l’Esprit-Saint qui traverse cette vie et qui fait dire la Parole ajustée. Que serait un accompagnateur qui chaque jour ne relirait pas sa propre vie à la lumière de la Parole et qui ne serait pas imprégné par cette Parole ? C’est ainsi que nous apprenons apprend à « tricoter » notre vie avec la Parole de Dieu et à faire de notre existence une histoire sainte où l’Evangile s’écrit de nouveau aujourd’hui, avec nos mots.
    C’est en accompagnant cet itinéraire que l’accompagnateur apprend la patience et aide celles et ceux qu’il accompagne à l’apprendre de leur côté. Nous faisons alors l’expérience que l’approche de la sainteté est une course de longue haleine qui ne sera jamais terminée et que le Seigneur devra achever lui-même au moment de notre mort, pour combler l’écart qui existera entre notre désir et ce que nous serons devenus en réalité. Nous devons, chacun d’entre nous, être patient avec nous-mêmes, ne pas nous décourager. Dans notre travail spirituel, nous faisons des pas en avant et parfois nous avons l’impression de régresser, de stagner. Pour les personnes que nous accompagnons, c’est la même chose. L’impatience est très mauvaise conseillère. Il faut accepter de traverser pas seulement nos propres périodes nocturnes ou désertiques, mais celles des personnes que nous accompagnons. Il faut discrètement encourager, souligner les découvertes et les progrès accomplis, ne jamais laisser croire à l’autre qu’il n’y arrivera jamais, donner confiance, et toujours croire que la grâce peut changer quelqu’un à condition qu’on en prenne les moyens. Ecouter ne suffit donc pas. Il faut parler un peu aussi, mais quand on parle, il faut le faire tout en écoutant.

    Je voudrais terminer en soulignant la dimension ecclésiale de l’accompagnement. Celui-ci n’est pas un en-soi. Quand on cherche à s’unir davantage à Dieu et aux autres, on fait appel aux différents moyens que nous offre l’Eglise. L’accompagnement est un de ces moyens mais il est vécu en synergie avec les autres moyens dont certains sont plus fondamentaux, comme le rapport à la Parole ou le rapport aux sacrements. Un accompagnateur doit être attentif à la pratique sacramentelle des personnes qu’il accompagne. La vie spirituelle forme un tout et les moyens que l’Eglise nous propose pour progresser doivent être vécus en relation les uns avec les autres. D’autre part, un des buts de l’accompagnement, c’est de permettre à chacun de trouver sa place dans la mission de l’Eglise et de développer ses talents au service de cette mission. L’accompagnement est une relation très personnelle, mais qui se trouve au carrefour de multiples relations qui constituent la vie d’une personne en tant qu’elle est membre de l’Eglise et donc appelée à participer à la mission de celle-ci. Enfin, l’accompagnement doit permettre à chacun de s’ouvrir aux autres et en particulier à ses frères chrétiens pour constituer avec eux le corps ecclésial dans la mission duquel il s’engage. Nous ne sommes pas des individus juxtaposés, mais des membres d’un corps. Il faut que notre vie et notre mission se ressentent de cette appartenance. Il est impossible ici de développer cela davantage. Mais cela demanderait tout un exposé, comme chacun des points que j’ai évoqués.

    En conclusion, je citerai Nathalie Nothomb dans son dernier roman : Soif, que vous avez peut-être lu. Elle fait parler Jésus sur son père adoptif Joseph : « il écoutait si fort qu’on croyait entendre sa réponse ». Cela peut apparaître comme un idéal. Il faut parler cependant, nous l’avons dit ; car on ne peut pas laisser l’autre avec seulement sa propre parole. Et celui que Maurice Zundel appelle « le géant du silence » devait bien parler de temps en temps. A la belle figure de Joseph, je préférerai celle de Jean-Baptiste qui me semble plus stimulante pour les accompagnateurs. Il est l’ami de l’époux qui se réjouit à la voix de l’époux. L’ami de l’époux se réjouit de voir son ami rencontrer son épouse. S’il a pu aider un peu à cette rencontre, il est heureux et en paix. Mais il s’efface, il se retire, il laisse la rencontre s’effectuer en dehors de lui. C’est sa joie et nul ne saurait la lui ravir.





    Notes d'une participante

    Merci pour ces notes qui nous permettrons de continuer à réfléchir en attendant le texte des interventions.

    Journée diocésaine du 7 mars 2020  . Crypte ND-des-Champs
    « L’accompagnement spirituel . Quel accompagnement ? Quels accompagnateurs ? »

    Matinée
    Père Benoît Bourgoin, vicaire à ND-des-Champs : Introduction
    Quelques verbes. Appeler. Si je fais de l’écoute cela nécessite d’avoir le don mais aussi d’être appelé. Par qui suis-je appelé ? Auprès de qui puis-je rendre compte de mon service ?
    Former : se mettre à l’écoute de la parole du Christ. Nécessite d’être soi-même accompagné. Sur quel point ai-je à porter une plus grande attention ?
    Superviser : C’est une pratique courante pour les psys, moins courant pour les accomp spi. Il va falloir y réfléchir. Comment exercer cette supervision de mon écoute ?
    Servir… « Le premier service dont nous sommes redevables aux autres, c’est de les écouter. De même que le commencement de notre amour pour Dieu consiste à écouter sa Parole, de même le commencement de l’amour du prochain consiste à apprendre à l’écouter. » Dietrich Bonhoeffer.
    Certains font de l’écoute téléphonique, d’autre plus psy, d’autres sont dans un dialogue pastoral ou dans un rapport économique (thérapeute, coach)… Cette diversité est une richesse. Nous poursuivrons ces rencontres. Vos idées sont les bienvenues.
    Je souligne la présence discrète des amis de saint Ignace : xavières, membres de CVX qui ont été la cheville ouvrière de cette journée.

    « Qu’est-ce qu’un accompagnement spirituel ? », par Bernard Pitaud, sulpicien, formateur de prêtres. 
    L’acc spi (AS) n’est pas de l’ordre d’un savoir mais d’un savoir-faire, donc de l’expérience. On lui a svt attribué comme qualification « l’art des arts » (ars artium), saint Grégoire le Grand. Il parle du gouvernement des âmes, cad le travail pastoral. Ce gouvernement des âmes peut s’appliquer à l’AS. L’AS est classé parmi les arts. L’accompagnateur est co un artisan qui doit façonner l’objet d’art qu’est la personne humaine entre les mains de D. Le véritable artiste est D lui-même. Image du potier. 1928 : Madeleine Delbrêl explique commence elle passe de l’art à l’art de la charité dans un poème. L’AS a qc à voir avec la beauté. Et l’accompagnateur verra parfois la charité transformer la personne ext et int.
    On voit le caractère jamais achevé de l’accompagnement : les vrais peintres reprennent sans cesse leur tableau. L’artiste lui-même doit ê très conscient de ses limites, de son manque de compréhension profonde de l’autre. Comment n’ai-je pas perçu le lien entre ces 2 événements dont la personne m’a parlé ? Autrefois, on faisait des séances de questions/réponses. Il est facile de caricaturer le passé. On va dire qu’hier on dirigeait et aujourd’hui on accompagne. Mais bien des accompagnateurs d’aujourd’hui sont très directifs. Et autrefois, chez les Sulpiciens, « M. Ollier écoutait tout et remarquait de grands états de grâce à cette âme ». Il y a toujours du parasitage sur la ligne. Il y a les filtres de notre propre expérience. Les grands directeurs spi de l’histoire de l’Eglise insistent sur le fait que chaque personne humaine est unique. Il ne faut pas avoir trop de certitudes. Celui qui se croit un bon accompagnateur ne l’est déjà plus. Il y a aussi les autocensures : les choses que nous n’avons pas assimilé dans notre propre histoire. On a aussi des positions idéologiques. Celui qui est un homme d’ordre risque de ne pas entendre le besoin de confrontation de l’autre. Celui qui est sensible à l’injustice risque de réagir trop vivement si la personne est victime d’une injustice. L’accompagnateur libre n’existe pas.
    Deux dimensions entrent en jeu :
    -       le relationnel : il faut se connaître. Etre conscient de ses réactions spontanées et des risques. Il faut que l’autre accède à une liberté de plus en plus grande. Le respect de sa liberté est le seul moyen de déployer ttes ses possibilités. Il faut que la personne puisse dire « je ».
    -       le spirituel. En m tps, on souhaite que cette personne marche vers la liberté évangélique, vers la charité. Elle est ouverture à l’autre jusqu’au don de soi. « Il les aima jusqu’au bout ». L’écoute n’est pas neutre. Elle ne va pas sans désir. Le désir de l’accomp va aider la personne à croire qu’elle peut accomplir sa vie, trouver un espace de libération. Ce désir de l’accomp va s’exprimer à travers un encouragement, la perception d’une pte lumière dans le tunnel qu’on croyait obscur. Tout n’est pas possible mais le progrès est tjs possible. Tout l’art consiste à ce que cette foi s’exerce dans le plus gd respect de la liberté.
    L’église n’a jamais rendu obligatoire l’AS, dont le but est de marcher vers la sainteté, sauf pour les futurs prêtres et religieux. Il y a là deux désirs qui se rencontrent dont l’un soutient l’autre. Mais le désir de la personne accompagnée est-il tjs si clair ? Non. Des personnes viennent vous voir parce qu’elles ont un pb et qu’elles cherchent une solution chrétienne mais qd le pb est dépassé, la question de l’accomp se repose. Il est possible qu’elle ait perçue des enjeux plus profonds. La place du rapport à D peut alors s’amplifier. Ou ce sera la découverte des mouvements intérieurs qui permettent de découvrir l’action de l’Esprit Saint. Le travail sur soi peut devenir un lieu de révélation. C là que le rôle de l’accomp est majeur. Il y a tt un chemin qui s’ouvre. D’autres en resteront là. C’est ainsi. Ce n’est peut-être pas le moment pour la personne d’aller plus loin. L’accomp a surtout touché les milieux monastiques. On peut se servir des conseils des moniales et des moines. C surtout à partir de la Renaissance, qu’on a compris que la sainteté n’était pas réservée aux moines. Les exercices de saint Ignace… Puis saint François de Sales est reconnu comme un grand directeur spirituel. C au moment où la société se transforme au bénéfice de l’individu que l’AS prend de l’importance. Ts les gdes directeurs spi du 18è siècle (Jean-Jacques Ollier, Nicolas Barré…) affirment que chaque personne est unique. A partir de là, l’AS ne peut pas se réduire à une série de conseils stéréotypés car le travail de l’Esprit saint se fait d’abord en l’autre. Il faut l’aider à comprendre que cette rencontre qui l’a réjouie, est peut-être un message que D lui adresse. C’est pour cette raison que l’AS se situe sur le registre de l’écoute car nous ne sommes pas des devins. On ne comprend pas mieux que l’autre ce qui se passe en lui. Nous ne sommes pas tout puissants. Les faits nous obligent à être humbles. Il faut lui permettre d’aller jusqu’au bout de sa parole pour venir au monde une nouvelle fois.
    -       La parole humaine doit être mise sous la Parole divine. Le rôle de l’accomp est alors de proposer un texte. C’est ainsi qu’on apprend à tricoter sa vie avec la Parole de Dieu. C’est en accomp cet itinéraire que l’accompagnateur apprend la patience. On apprend que la course à la sainteté est de longue haleine. On doit être patient avec nous-mêmes. On a parfois l’impression de régresser. L’impatience est mauvaise conseillère pour nous et la personne accompagnée. Il faut donner confiance.
    -       Je voudrais souligner la dim ecclésiale de l’AS. Il est vécu en // avec le rapport à la Parole et aux sacrements. Un des buts c de permettre à chacun de trouver sa place dans l’Eglise. Enfin l’AS doit permettre de s’ouvrir aux autres pour former le corps ecclésial.
    Conclusion : Nathalie Nothomb dans Soif fait parler Jésus sur son père adoptif, Joseph : « Il écoutait si fort qu’on croyait entendre sa réponse ». Cela paraître comme un idéal. Celui que Zundel appelle « le géant du silence », Joseph, devait parfois parler. Je préfère la figure de Jean-Baptiste, l’ami de l’époux, qui s’efface. Il laisse la rencontre s’effectuer en-dehors de lui.

    « Posture de l’accompagnateur », par Paul Hervé Vintrou, coach, enseigne la manière d’accompagner professionnellement, AS à Saint-Gervais.
    J’ai suivi de nbses formations dont Cacuna au Cénacle au Canada. Nous sommes une 12zaine d’accomp à Saint-Gervais, aux fraternités monastiques de Jérusalem. Auteur d’un manuel de l’accomp spi qui sort la semaine prochaine. 12 dispositions de l’AS :
    1) comprendre ce qu’est l’AS dont la diff entre AS et A psycho
    2) nommer Dieu. Il faut annoncer la couleur. Ce n’est pas tjs le cas ! Mais comment accompagner aux périphéries ? Moi, j’accompagne au nom de D, le père, le fis et le SE. Il faut expliquer qu’on est 3 : moi, l’accomp et Dieu.
    3) aimer inconditionnellement la personne que j’accompagne. C’est une décision que je prends.
    4)la déontologie. C vivre avec ses limites, ses blessures. Etre formé. « Mon avis a tjs été que chaque chrétien doit communiquer avec quelqu’un d’instruit et éclairé », Thérèse d’Avila. Laisser la personne que nous accompagnons libre de partir. Nous ne sommes que des passants. Etre supervisé. garantir la confidentialité : permet à l’accomp d’ê un lieu où tout peut se dire. Etre envoyé. Je ne peux pas décider tt seul que je suis accompagnateur !
    5) Créer un climat de confiance. « Là où est l’amour là où il y a l’œil ». Je me remplis l’œil d’amour pour regarder l’autre. La patience. Passage de la bible où l’on veut couper le figuier stérile : « Seigneur, laisse-le encore une année »…
    6) Demeurer un : éviter la séduction, face au phénomène d’emprise. Agréer ce qui advient. Un accompagnateur n’est pas « choquable ». Ecouter les horreurs qu’on peut entendre. Savoir que ce n’est pas moi, mais lui qui accompagne. « N’essayez jamais de vous imposer à vos frères. Vous ferez très bien mais la grâce peut davantage ».
    7)Ecouter avec tous nos sens. « Faites attention à la manière dont vous écoutez » Lc 8,18.
    8)Questionner. Se rendre compte qu’on questionne… par Jésus-Christ. J’échange avec l’accompagné mais je sais que sa parole doit-être traversée par la parole du Christ. Questionner pour tt évoquer et qu’on parle au bénéfice de la personne. Jean-Yves Leloup raconte qu’une paysanne sollicitait l’avis d’un staretz. Elle demandait comment gérer les dindons. Pq ? Parce que les dindons c toute sa vie. Je dois m’intéresser aux dindons de la personne. J’accompagne la personne dans ce qu’elle a à vivre.
    9)Dire la parole. Prier pour l’accompagné. Je prie avant la rencontre, après et entre les rencontres. J’ai découvert Thérèse d’Avila qui disait : « Ce qui est de la plus haute importance, c’est de parler à votre confesseur de la manière dont vous vivez l’oraison ».
    10) Oser regarder les blessures et les peurs. J’aide la personne à accueillir la situation douloureuse qu’elle vit par D, avec D et en D.
    Libérer les personnes de croyances limitantes, la culpabilité, le souci de la perfection… Et accueillir la souffrance. Bernanos écoute une grande douleur du médecin : « j’essaie de recevoir humblement cette douleur dans mon cœur… et je comprends l’expression « communier avec » car cette douleur, je la communie ».
    11) Unifier le corps, le cœur avec l’âme. Accompagner le corps : apprendre à respirer. Voir comment je fais exprimer des sentiments, des ressentis ? Faire nommer à la personne ce qu’elle ressent lui permet d’avancer.
    12) Ouvrir le champ des possibles : voir D en toute chose. Les accompagnés se demandent comment rejoindre D dans leur vie quotidienne. Je leur donne des exemples : vous allez vivre telle rencontre par JC et en JC. Essayer de faire voir différemment. Explorer de nlles manières de faire. On peut s’appuyer sur des images, des symboles. J’utilise 200 cartes postales d’œuvres d’art pour lui proposer de voir les choses différemment. On peut proposer aussi à la personne de dessiner.
    S’offrir au monde : ouvrir au monde par rapport à ce qui se passe. Voir comment je vais l’aider à porter du fruit dans sa vie quotidienne.
    Conclusion : C important de se montrer joyeux tout au long de l’accompagnement. Une joie intérieure, celle qui est donnée par le Christ. Car le sourire est contagieux. Transmettre cette allégresse de Jésus. Sourire c’est donner mon cœur.

    « Différentiation ente accompagnement spirituel et psychologique », par Pascal Parinet, psychanalyste et psychothérapeute Gestald, formateur en relation d’aide.
    Gestald.
    C’est une méthode qui travaille ds l’instant présent sur le processus (comment cela se passe ?). On travaille sur l’expression des émotions, l’intentionnalité (ds quelle intention j’adopte ce type de comportement ?), la fluidité des relations à soi-même et aux autres.
    Comment repérer ce qui relève du psy et du spi ? Comment différencier l’accomp ? On ne regarde pas l’ho de la même façon. Les objectifs sont différents aussi ? Soigner des troubles psychiques ou aider la personne à progresser dans sa vie chrétienne.
    - La séparation des fonctions : accueil en paroisse, dans une dim sociale ou psychothérapie… Il faut rester dans le cadre où nous sommes.
    Le transfert va être un mécanisme qui consiste à projeter les aspects de personnalité pour répéter une relation infantile. C un processus inconscient.
    Un accomp ne peut pas tout faire. Sinon risque de basculement dans la toute-puissance. En gl, on s’inscrit dans une tradition, ignatienne ou saint Frs de Sales pour l’accomp spi. L’accom psy : rendre conscient les mécanismes du mal-être pour trouver d’autres ressources. La psycho concerne aussi la créativité de la personne. En Gestald, on dit que quand on va mal la croissance s’arrête. L’objectif, c’est qu’elle reprenne. On accueille la personne dans sa globalité. Elle peut vouloir parler de sa foi avec son psychothérapeute. IL y a d’un côté l’écoute et sa méthode qui en fait sa spécificité. Un psy peut être à l’écoute du patient qui parle de sa foi. Il peut l’aider à prendre conscience de son idéalisation… L’AS ne va pas intervenir au niveau des mécanismes psychiques mais il peut voir co la foi peut l’aider à se sentir mieux.
    -Distinguer le normal du pathologique : le normal est difficile à discerner. Ce pourrait être l’absence de souffrance pour la personne et son entourage. Et en même temps, il nous arrive à tous de souffrir sans que cela soit pathologique, comme lors d’un deuil. Du coup, ce sera lié à l’intensité. Si vous pleurez face à une perte, c’est normal, mais si vous pleurez sans savoir l’origine de votre tristesse, il y a qc qui ne va pas. C le trop ou le pas assez dans la durée.
    Un exemple : vous avez entendu parler « des maladies spirituelle » des pères du désert. Prenons la gourmandise. Elle pourra être rééquilibrée par la vertu de tempérance. La personne pourra exercer et fortifier son libre arbitre. Boulimie : la personne subit des aspects psycho (pulsion, anxiété) et le psy ne conseillera pas la tempérance mais aidera à la prise de conscience des mécanismes à l’origine du trouble. On pourra suggérer à la personne d’aller vers la gourmandise pour retrouver le plaisir de manger plutôt que de rester dans la pulsion. La pbtique ne relève pas du même registre.
    L’accompagnant spi regarde le rééquilibrage par les vertus ; le psy va s’intéresser aux mécanismes inconscients. Trouble psy si la personne dit : « Je ne peux pas m’en empêcher ». Avec le libre arbitre, il y a la question de la conscience. Ce qui est conscient c le symptôme. Ds la dim spi, la conscience reste présente.
    On voit l’importance de distinguer les pbtiques. Le chrétien pense en terme spirituel mais cela ne favorise pas tjs la bonne prise en charge. A l’inverse, certains psys ne voient que l’aspect psy ce qui est une erreur. Le bon sens peut les aider. Le trop ou le pas assez dans la durée constituent un signal. Mais aussi l’histoire de la personne, la souffrance…  Et aussi le ressenti de l’accompagnateur. Il y a aussi le contre-transfert : c ce qui se passe ds l’accompagnateur. La fatigue, l’agacement… sont autant de signaux. Accompagner des personnes en souffrance n’est pas neutre. Cela nous affecte aussi consciemment et dans notre fonctionnement inconscient. On doit avoir un pied dans la rivière (empathie) et un pied sur la berge. Important : la relecture de l’entretien, la supervision, le travail sur soi, une psychothérapie qd tous les mécanismes n’auront pas suffi.
    Quelles troubles psy s’expriment religieusement ?
    -Ce sont les mécanismes de projection. On projette des images paternelle ou maternelles sur Dieu.
    -L’idéalisation et la pensée magique qui relèvent de l’illusion infantile.
    -Les scrupules obsessionnels sur des aspects religieux.
    -La notion de sacrifice qui peut renvoyer au masochisme.
    -Le délire mystique qui peut être difficile à discerner.
    A l’inverse, il y a des synergies importantes :
    -       Le pardon qui est une grâce
    -       Les contraintes existentielles : la solitude, la mort, le sens de la vie. Il y aura une synergie entre AS et psycho.
    -       Il arrive qu’une conversion guérisse une dépression ou une addiction. Les alcooliques anonymes sont dans une vision chrétienne de se remettre à plus grand que soi.
    Dans de nbx cas AS et A psycho permettent d’unifier la personne.
    Conclusion : la réalité est plus complexe que ce que je viens de dire. La vision binaire corps/âme ne facilite pas la diff entre psycho et spi. Je préfère la vision ternaire : corps, âme, esprit. La différenciation de ces 3 registres est importante pour faciliter l’accomp. Il faut prendre en compte les attentes et les besoins de la personne, en sachant qu’il y a une complémentarité entre l’accomp médical, psycho, spi et social. Il ne s’agit pas d’exclure l’un ou l’autre. Ces accompagnements sont cumulables dans la mesure où ils correspondent aux besoins de la personne.

    QUESTIONS/REPONSES AVEC LA SALLE
    Des personnes demandent des prières de libération pendant l’AS ?
    Père Bernard Pitaud :
    Je ne sais pas faire ! Je n’ai jamais eu cette demande. Je commencerais par dire à la personne : pourquoi vous me demandez cela ? Libération de quoi ? Il y a souvent un rapport à des forces occultes ou démoniaques. On peut prier avec qq pour que la personne soit libérée.

    Comment accompagner vers la vie sacramentelle ?
    P Pitaud :
    Un des moyens de progrès dans la vie spirituelle, c’est la vie sacramentelle. Ds l’accomp, c’est une question qui doit venir. La place que va prendre l’eucharistie dans la vie des gens... De temps en temps devrait venir la question de la place que l’on accorde à la vie sacramentelle.

    Quels sont les éléments qui permettent de discerner ce qui relève d’un trouble de la vie psychique et spi ?
    Pascal Parinet
     : Prenons l’exemple du scrupule. S’il arrive parce qu’on a fait qc de mal, c’est normal. Mais si cela devient obsessionnel, cela devient un trouble psychique.

    Préciser ce que veut dire « questionner par Jésus-Christ » ? Quelle forme doit prendre le questionnement de l’accompagné pour ne pas être intrusif ?
    Paul Hervé Vintrou
     : quand je suis dans une relation fraternelle, je m’intéresse à la personne. C’est parce que JC demeure en moi que je peux poser une question.

    Les membres de l’eglise en accompagnement spi sont-ils supervisés ?
    Père Bernard Pitaud 
    : Je ne suis pas sûr qu’il y ait bcp de supervision. C’est difficile de constituer des groupes dans les diocèses pour des pbs de discrétion. Car on apporte un cas et on explique comment cela s’est passé. Et pourtant, je ne connais rien de plus efficace que la supervision ! Mais c’est difficile à mettre en œuvre et cela suppose un volontariat.

    A quoi l’accompagnateur peut-il jugé que l’accompagnement porte du fruit ?
    Père Bernard Pitaud :
    Cela se voit. Quand des gens laissent la prière s’installer dans leur vie. Quand l’eucharistie devient essentielle. Quand ils font le lien entre la Parole et leur vie quotidienne. Quand ils se libèrent de choses dont ils se sentaient esclaves. Un accompagnement régulier produit normalement des fruits. La question de la durée et de l’intentionnalité sont importantes.

    Avec quoi je prends mes décisions ?
    Pascal Parinet
     : C’est avec notre conscience. La force de notre décision peut ne pas être suffisante/à certains mécanismes comme la boulimie. La pulsion peut être plus grande que la décision.

    Peut-on travailler le transfert et contre-transfert ds l’AS ?
    Pascal Parinet : Je ne vous le conseille pas. Cela est inconscient. En psychanalyse, c’est un outil pour soigner la personne. En Gelstad, on bloque parfois le transfert en disant « je ne suis pas ton père ». Et on travaille le contre-transfert en supervision. On va dire : « je suis inquiet pour lui » ou « il m’énerve »…

    Où est la limite entre silence et parole de la part de l’accompagnateur ?
    Paul Hervé Vintrou
     : Etre silencieux, c’est écouter.

    Comment l’accomp spirituel chrétien peut-il intervenir ds des milieux non-chrétiens (soins palliatifs) ?
    Paul Hervé Vintrou
     : J’ai lu le livre de Claire Fourcade, un médecin qui accomp dans le cadre des soins palliatifs. A lire.

    Pouquoi les mécanismes de défense ?
    Pascal Parinet
     : La projection est un de ces mécanismes.

    Facilitateur de croissance, supervision… comment organiser tout cela ?
    Pascal Parinet : Je la pose aux organisateurs…

    DEJEUNER

    APRES-MIDI
    « Les abus de conscience : liberté / emprise », par Jean-Guilhem Xerri, psychanalyste et essayiste, auteur de Prendre soin de son âme. Et Revivez de l’intérieur.
    Les révélations récentes révèlent que l’AS peut-être le terreau pour des abus. La psycha a bcp travaillé le pb de l’emprise. Le transfert est un lieu d’excellence pour l’emprise. L’emprise = empiètement, pouvoir, empire. L’abuseur empiète sur une intimité. Déf. : c’est une domination qui peut être physique, intellectuelle, psycho et spirituelle. Elle amène à une atteinte à la liberté de l’exercice de son désir profond. Freud a bcp travaillé sur le sujet. Jean-Claude Maes a bcp travaillé sur le sujet. Du côté de l’abuseur : pulsion de mort, séduction narcissique très altérée. Il s’agit de l’annulation du désir de l’autre. Une neutralisation du désir de l’autre. Il ne s’agit pas pour l’abuseur de voir l’autre souffrir – ce qui est le cas du sadisme. On est ds qc qui se rapproche de l’ignorance du désir de l’autre. Ce qui se joue, c’est une réduction de l’altérité. Il s’agit d’envahir le désir de l’autre pour la faire disparaître à son profit. On peut penser au masochisme : éprouver le désir d’être dominé. Ou aux courtisans : la servilité. Ou le syndrome de Stockholm : une victime a des sentiments pour des bourreaux. Les réalités vécues et qui se déploient dans une relation sont polysémiques.

    Les diff phases de l’emprise pathologique, ce sont les diff phases du deuil (déni, tristesse, colère…). Elles ne sont pas forcément pathologiques. Il n’y a jamais d’abus à deux mais toujours trois.
    1ère phase : la séduction – physique ou… intellectuelle. Cette phase est toujours présente sur différents registres.
    2è élément : les personnes particulièrement en risques de se trouver ss une emprise pathologique sont des personnes en quête, en « remaniement existentiel ». On sort d’une phase difficile, on cherche du sens… L’abuseur va se présenter comme celui qui s’est mis au bout de la quête.
    3è élément : le vice de consentement. On fait un pas de plus. L’abuseur va faire dire à la victime ce qu’il attend d’elle. On travestit le consentement. Ex : une jeune religieuse qui n’a pas encore fait ses vœux dit : « Je veux me donner au Seigneur ». « Mais tu sais que je suis le représentant au Seigneur, pour te donner au Seigneur, donne-toi à moi ! ». C’est là que les abus spirituels sont destructeurs.
    4è élément : le syndrome de Stockholm : en Suède braquage de banque qui a duré plusieurs jours. Stupeur à la TV de voir qu’à la fin du kidnapping, certains des otages clamaient leur sympathie pour les agresseurs. On le voit dans toutes les situations où il y a une mise sous dépendance. C’est un mécanisme défensif pour survivre, une « formation réactionnelle », pour l’ego n’explose pas devant la menace permanente et durable. On a cela aussi dans les violences faites aux femmes.
    5è élément : la dépendance à la relation. C’est aussi une annulation du désir.
    6è élément : la déconstruction de la personne. C’est le désir profond de l’autre qui est altéré.

    Dans ces contextes, il est rare qu’il y ait un abus à deux (abuseur/victime), il y a souvent un 3è terme. Exemple : le père Preynat, les bonnes familles lyonnaises savaient. Mais il parlait bien, son patronage fonctionnait bien… Tel ou tel amène des vocations, il a un charisme incroyable. Jean Vanier : le 3è terme, c’est tous ceux qui valorisent la personne. Dans les familles, là où il y a 99 % des abus qui abuse ? Le tonton super, le parrain génial. Il abuse… parce qu’il est génial. C’est un élément majeur. C’est quoi ce besoin d’avoir des saints et des idoles ? Dans le psychisme humain, le besoin d’idolâtrie est inscrit selon Freud.

    L’emprise est le propre de toute relation asymétrique. Le pb ce n’est pas l’emprise mais la transgression. Ex de transgression pour un psy : le psy se met en colère et engueule la personne qu’il reçoit. Autre ex : des comportements non appropriés comme poser des questions intrusives, rompre le secret, faire des confidences personnelles à son patient. Ou se laisser séduire. Les passages à l’acte sensuels ou sexuels. Une augmentation du prix de la séance autoritaire. Si on veut schématiser, il y a deux cas de figure :
    -       Il peut y avoir une transgression ponctuelle et occasionnelle. Je me suis laissé séduire par une patiente. On ne m’y reprendra pas ! On est du côté d’une dérive. On est du côté du contre-transfert. Je vais être sensible à telle tentative de séduction… Cela a touché qc en moi. Cela se travaille
    -       La transgression est récurrente et structurelle. Elle n’est pas liée au contre-transfert mais elle est liée à la structure psychique de la personne. Quand on a affaire à un psy qui est toujours dans la transgression, cela veut dire que cette personne ne peut pas fonctionner autrement.
    -        
    -L’emprise normale suppose un attachement. On est du côté d’une guérison. Il n’y a pas l’intentionalité d’une emprise. Elle se déploie dans un transfert qui est analysé et conscientisé.
    -L’emprise pathologique suppose un asservissement, un rétrécissement de la liberté profonde. On est du côté de la prédation, de la maltraitance, de la dépendance. On est dans le fantasme du psy abuseur. Suppression de l’altérité.
    Quand on est dans une relation d’aide, il faut accepter l’asymétrie constitutive de cette relation. Qd on sent qu’il y a qc d’affectif qui se joue, il faut l’accepter.

    L’attitude ? Freud était venu se former à Paris à la Pitié Salpêtrière chez Charcot. On pratiquait l’hypnose autoritaire. Il l’a pratiquée. Il a observé que cet exercice était inefficace et que cela suscitait un risque d’entrer dans une séduction narcissique. Il y avait un dévoiement de qc. C’est comme cela qu’est née la psychanalyse ! C’est au thérapeute de s’abandonner au chemin pris par le patient. Il a mis en place une éthique de l’abstinence (et non de la neutralité). Respect total du fort interne. Le cadre qui protège : je ne reçois pas des patients à toute heure du jour et de la nuit, les entretiens durent 45 mn… Il y a une analyse du transfert. Le psy n’est pas au service de l’autre mais au service de la relation du patient avec lui-même (de l’accompagné avec Dieu pour l’AS).

    La formation et la supervision : la supervision est indispensable. Une supervision spi et psy.
    La formation : c’est nécessaire de connaître les pièges de la relation d’aide.

    « Supervision et supervisé », par Micheline Claudon (à la retraite, appelée auprès du diocèse de Paris) et Caroline Dry (consacrée, de spi ignatienne, 54 ans), psychologues cliniciennes.
    MC : On va répondre partiellement. J’ai été frappée ce matin par le fait que cette question de la supervision n’allait pas de soi. Est-ce qu’on a le droit de s’écouter ? Est-ce un devoir de s’écouter ? J’avais coutume de dire à mes jeunes collègues : « Tu soignes qui dans la famille en faisant ce métier ? ». Il faut se demander quels bénéfices cela nous apporte personnellement. Qu’est-ce que cette posture vient réveiller en moi ? N’ayez pas peur de la supervision. Cela va vous permettre de grandir. C’est incontournable pour les psychologues mais personne ne vient vérifier qu’ils sont supervisés. J’ai tel accompagnement, comment moi cela m’anime ?

    CD : Je vais essayer de partir de ma propre exp d’être supervisée dans mon accompagnement spi. Le terme de supervision est assez récent et correspond à qc de la redécouverte de l’AS individuel par d’autres personnes que les moines.
    Définition de la « supervision » :
    -super/au-dessus/d’une expérience plus profonde,
    - « contrôler un travail qui a été fait sans entrer dans les détails ». 
    Un contrôle se fait toujours / à quelque chose. Réviser implique re-viser. Vérifier une qualité générale dans un mouvement. C’est une rencontre entre deux accompagnateurs. Un superviseur qui va écouter quelque chose de la dynamique, relue par la supervisée.

    MC : Ds l’accomp spi, le psy va chercher une validation de son travail. Mais ils ne sont que deux. Or ds l’AS, on est à trois. « Le terme de supervision est un terme fourre-tout » (Journal des psychologues). Quand on est accomp, c’est important d’être à l’écoute de ses propres mouvements psychiques.

    CD : Je partage mon expérience de supervisée. Qu’est-ce que j’ai perçu ds ma relecture de mes mouvements ? Paix, joie, tristesse ? Qu’est-ce que j’ai ressenti ? Il n’y a aucune vérité psychologique qui ne soit concordante avec la dim de l’être spirituel. La vérité de l’être psychologique ne peut être que concordant qu’avec l’unité de l’être spirituel.
    2è axe sur la forme. Ce qui peut nous aider pour l’accompagnement ? Suis-je restée silencieuse ? Pourquoi ? Ai-je écouté jusqu’au bout ? Il s’agit de verbaliser les mouvements qui m’ont traversée.

    MC : J’ai été interviewée sur la question des addictions. Et j’ai eu plusieurs demandes d’accompagnement après parce que j’étais chrétienne.
    Où chercher de la supervision ? Qd on appelle à l’AS, on doit proposer de la formation et de la supervision qui est une formation continue et tjs nécessaire. Avant d’accepter d’accompagner spi, il faut demander des espaces de supervision (dans un centre spirituel, dans un groupe à monter…).

    « La mission ecclésiale de l’accompagnement », Mgr Benoist de Sinety, vicaire général.
    Je suis prêtre à Paris depuis 22 ans et depuis 4 ans vicaire gl. Deux anecdotes qui m’ont fait réfléchir :
    -Qd j’étais curé de Saint-Germain-des-Prés, au moment du synode sur la famille, j’avais proposé à des paroissiens de participer à une réunion à condition qu’ils soient mariés divorcés ou séparés. Une quarantaine de personnes est venue. Tous m’ont dit, est-ce qu’il existe pour nous une possibilité de salut ?
    -j’ai été 11 ans aumônier d’étudiants. L’un d’entre eux était venu me voir. « J’ai un truc à te dire très important : je viens de faire mon coming out. Je veux continuer de suivre Jésus, comment on fait ? » On peut être pris d’une envie d’un monde lisse. Mais ce monde rêvé serait un monde terrible qui manquerait de poésie. Comment faire ? La mission d’accomp est une mission universelle de tous les chrétiens. Où es ton frère ? L’AS ne consiste pas à prendre la place d’un père ou d’une mère de substitution. L’expression « père spi » est ambigüe. « Dites-moi ce que je dois faire ? » Et bien non. Il ne s’agit pas de prendre soin de l’autre en cherchant pour lui un travail mais de la relation à Dieu de mon prochain. C’est cela qu’il nous faut essayer de comprendre. Comment est-ce que nous acceptons que notre prochain ne soit pas tel que nous voulons qu’il soit ? Comment nous pouvons rendre ce service, sans nous prendre comme des démiurges ? Comment qq qui accompagne peut-il imaginer qu’il puisse ne pas être accompagné ? Cette mission d’AS nous est donnée à tous mais pas de la même manière. Comment est-ce que tout cela construit le corps de l’Eglise ? On peut avoir tous les talents comme prêtre et ne pas savoir accompagner spirituellement. Comment savoir si j’y suis appelé ou pas ?
    -D’abord en ayant une relation à D par la prière qui m’éclaire sur moi-même. Aucune relation n’est vraiment chaste mais le savoir est un premier pas de sagesse et de purification.
    -Et être accompagné soi-même par un frère qui va être témoin de la manière dont l’Esprit saint va résonner en moi.
    Qu’il y ait des besoins, c’est indéniable. Des jeunes et moins jeunes veulent s’engager avec enthousiasme. Il faut aussi accompagner des catéchumènes, des fiancés. Chacun en sent ou pas le besoin à tel ou tel moment de l’existence. Et il doit trouver quelqu’un de disponible dans l’Eglise. Et à qui proposer ses services quand on a discerné que cet appel était le mien ? Il faut réfléchir ensemble à la manière de bâtir ce projet. Amoris Laetitia le rappelle avec force : « Nous devons aider nos frères à éclairer leur conscience ». Dans d’autre diocèses, des dispositifs se créent dans les paroisses ou des lieux spirituels. Cela nous presse à prendre cette question au sérieux.


    Les accompagnateurs spirituels questionnent leurs pratiques Christophe Henning ,  le  10/03/2020 à 16:46   La Croix Alors qu’on...